Novembre 2020 :

Affiche : Lef Leclown

LEF, qui est un ami de longue date, m’a sollicité au début de cet automne 2020 pour que je participe comme photographe à son projet d’affiche-calendrier. C’est ainsi que je me suis retrouvé à donner forme à cette image symbolique, gentiment provocatrice et irrévérencieuse où le clown se présente quasiment nu et préserve du regard les derniers attributs de son intimité grâce à un masque chirurgical. LEF n’a, par ailleurs, à sa disposition comme autre élément d’apparat, qu’un nez de clown et un parapluie qui ne l’abrite de rien. En présentant ce clown au physique de Monsieur tout le monde, qui cherchait à se protéger maladroitement d’une menace que lui-même ne percevait pas, il était donc bien question, dès l’origine du projet, de produire une image qui évoque la protection de l’individu et son rapport à une certaine liberté de comportement.

« Ton idée est-elle de proposer une affiche qui critique la politique sanitaire du gouvernement français « ? » Ai-je demandé, avant de m’engager sur ce travail. Au même moment, des revendications anti-masque occupaient les discours contestataires concernant les mesures prises anti-Covid mises en place. La réponse de LEF m’a convaincu de l’intérêt de participer à ce projet visuel. Il m’a expliqué que son intention n’était pas tant de critiquer l’usage du masque comme moyen de protection contre le Covid-19 que d’ouvrir la possibilité d’un questionnement de l’action politique mise en place. Son constat étant que la situation actuelle nous est imposée, au nom d’une réponse à la crise sanitaire qui n’appellerait aucune autre politique que celle envisagée.

Ce n’est qu’une fois la photographie réalisée que LEF a trouvé le slogan pour l’affiche :« égalité fraternité, liberté ? ». L’affiche est prête et je lui laisse le soin de créer le happening qu’il souhaite. (Voir compte Facebook: Lef Leclown)

Nous avons conscience qu’il est probable que d’autres se saisiront de cette image pour la faire parler comme ils l’entendent.

Si le débat devait se résumer au port du masque, j’indique ici que pour ma part c’est une protection à laquelle je suis particulièrement attaché. Je m’interroge même sur les possibles bénéfices qu’aurait pu présenter l’obligation (au minimum la recommandation) du port du masque dans l’espace public.

Si j’ai bien conscience que mon expertise prophylactique est plus que limitée, comme chacun de nous, ma résistance psychologique à une situation oppressante m’invite à critiquer et envisager les privations de libertés que nous vivons actuellement. L’actualité de ces derniers jours de novembre conforte malheureusement l’idée véhiculée par cette affiche : il est particulièrement nécessaire de nous montrer vigilants à l’égard des libertés individuelles.

L’obsession de la protection qui nous occupe tous en ce moment est considérée par cette image sous l’angle de l’absurdité. En cela, cette affiche, en m’amusant, me libère un peu. J’espère que le comportement du clown vous fera du bien également.

Sur un plan professionnel, réaliser la photo pour cette affiche relevait pour moi d’autres champs de réflexion que celui relatif à l’organisation de la crise sanitaire.

D’un point de vue esthétique, la prise de vue en studio a été imposée par l’exercice du nu photographique. J’ai eu l’intuition d’utiliser un fond jaune qui donnerait à l’image une tonalité solaire. Maintenant que cette photo est aboutie, je suis heureux que LEF ait également deviné la possibilité plastique de cette couleur. Je savais que le jaune, qui est la couleur complémentaire du bleu- permettrait par contraste colorimétrique d’orienter le regard sur le masque. Le minimalisme spectral de l’image, en trois tons : jaune – bleu – rouge, devait également permettre une lecture très directe et simple de l’affiche.

Le choix du jaune me convainc également, car il participe de l’absurdité que véhicule la situation proposée : le parapluie ne protège de rien dans un environnement solaire et la tonalité de l’image demeure joyeuse. Depuis les gilets jaunes, cette couleur véhicule inconsciemment une symbolique liée à une résistance populaire.

Ce choix essentiel de la couleur du fond arrêté, je mesurais qu’il ne serait pas évident de mettre en valeur le corps dénudé. Je craignais le rendu de sa pilosité ainsi que celui de sa peau. Les teintes de sa chair menaçaient de paraître très crues en raison d’un bronzage de fin d’été. Nous avons eu l’opportunité d’être secondés, le jour du shooting, par une maquilleuse professionnelle. Eh oui! Pour ceux qui l’ignoreraient, Photoshop ne fait pas tout. Ou alors il faut y consacrer des heures, des jours et le résultat photoshoppé peut avoir tendance à manquer de naturel.

Grâce au maquillage, de notre collaboratrice, de corps de LEF apparaît avec la dignité d’une beauté qui assume quelques rondeurs et se dévoile au-delà des canons de l’image de l’homme sportif, et objet de performance.

J’ai toutefois avoir utilisé Photoshop afin d’unifier quelques teintes qui avaient échappé à notre soin le jour du shooting. J’ai ainsi masqué quelques rougeurs, atténué ici et là, la pilosité. Ce n’était pas contraire à mes principes, je n’avais pas à produire une photographie documentaire.

Finalement, comme pour toute photo, la technique, le maquillage, ne sont que des préalables à la réalisation d’une bonne prise de vue. C’est donc bien en définitive, LEF, qui de par son aisance devant l’objectif, en proposant des attitudes inspirantes, a permis de réussir ce bon cliché.

INSPIRONS NOUS ALORS, les uns les autres, EXPIRONS – RESPIRONS.

J’ai l’impression que cette image en offrant sur un mode anecdotique la possibilité d’une critique du climat politique et social actuel fait du bien et qu’elle est, malgré son artificialité, dans l’air du temps.

Maxime JOUY